L’ERP va t’il se diluer dans la transformation numérique ?

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C’est un sujet récurrent concernant l’ERP et la question pourrait être formulée ainsi : L’ERP va t’il « survivre » à la transformation numérique et à la déferlante de solutions et d’applications qui s’installent dans les différents services de toute organisation ? A en croire certains, il faudrait ainsi opposer ERP et transformation numérique.

D’un côté, l’ERP, un terme jugé lui-même désuet (dans le domaine de l’IT, toute dénomination attribuée il y a plus de 20 ans est, de facto, jugée désuète) et qui définit une solution elle-même accusée parfois d’être trop rigide, complexe ou longue à implémenter.

De l’autre, les miracles de la transformation numérique, terme bien pratique puisqu’il recouvre une réalité assez floue et mouvante, bien que palpable, et qui permet d’englober une quasi infinité de changements organisationnels et technologiques dans un même concept fédérateur et vendeur.

Par définition, la transformation numérique incarne l’adaptation et la modernité, et pour ses plus ardents supporters, elle pourrait être la solution à la quasi-totalité des problématiques actuelles des organisations. Alors, pourquoi ne pas s’appuyer sur ce concept, sur la quasi infinité de solutions et applications disponibles, pour modifier radicalement le fonctionnement de l’entreprise, en s’affranchissant au passage de l’ERP ?

L'ERP n'est pas là par hasard

Raisonnons par l’absurde, en prenant l’exemple de l’automobile. Elle est apparue il y a plus d’un siècle, et lorsque Ford l’a démocratisé en décidant de la produire à la chaine en 1908, elle comportait d’ores et déjà un châssis, 4 roues, un volant pour la direction, un moteur, un tableau de bord avec des cadrans, des pédales et des manettes pour les commandes, une carrosserie. Cette structure est née de la rationalisation de ses fonctionnalités.

Depuis cette époque, nous avons tous vu mille fois des articles annonçant une révolution dans le domaine de l’automobile. Qu’il s’agisse de la voiture amphibie ou des véhicules volants, nous avons assisté en 1 siècle à de multiples améliorations. Jusqu’à la révolution présente, elle aussi liée à la transformation numérique : la voiture autonome, sans conducteur, qui elle aussi est bien réelle et fonctionne déjà… mais avec un châssis, 4 roues, et la quasi-totalité des organes classiques d’un véhicule.

Le cahier des charges n’ayant pas changé tant que cela (transporter des passagers sur une route carrossable), la technologie n’a pas révolutionné l’outil. Un automobiliste de 1908 pourrait être transporté en 2017, et reconnaître instantanément une voiture (ce qui n’est pas le cas d’un téléphone, par contre).

L’ERP aussi est construit sur un cahier des charges qui n’a pas foncièrement varié depuis sa création. Malgré l’évolution rapide de l’industrie et de l’entreprise en général, il faut toujours faire collaborer des unités de conception, d’approvisionnement, de fabrication, de vente, de facturation, de logistique… et la réponse est toujours l’ERP.

Il faut d’ailleurs le noter : toutes les études récentes notent que l’ERP est l’une des solutions les plus répandues dans les entreprises de toutes tailles, et le marché reste en croissance d’environ 3% par an.

Oui, la souplesse est une réponse. Mais...

Certes, on peut reprocher à l’ERP une certaine rigidité. Mais on ne reproche pas à un véhicule (pour reprendre l’analogie précédente) la rigidité de son châssis, puisque c’est sa fonction première et la résultante de son cahier des charges.

Si l’ERP impose des règles dans le formatage et la saisie des données, qui doivent prévaloir dans toute l’entreprise, on comprend qu’il puisse être ressenti comme « gênant » par tous ceux qui préféreraient lui substituer un simple tableur ou une application sur leur smartphone. Mais cette rigidité n’est qu’un moyen de préserver la cohérence des données, donc la possibilité de les exploiter et d’obtenir un reporting de qualité, avec un module de Business Intelligence et des tableaux de bord, par exemple.

L’ERP véhicule peut-être une lourdeur apparente et un certain nombre d’obligations, mais il est dans son rôle de garant des réglementations et des procédures. Frein à la créativité, diront certains. Mais l’orthographe et la grammaire pourrait être qualifiés de même, puisqu’ils obligent tout un chacun à respecter des règles contraignantes, mais forts utiles lorsqu’il s’agit, au final, de lire et diffuser un ouvrage.

La flexibilité, tant vantée de nos jours, et que l’on associe volontiers avec la transformation numérique – une problématique dans un service = une micro solution – comporte aussi un revers : la dispersion et le morcellement des données et de l’IT. ERP et transformation numérique doivent être des sujets pris conjointement afin de préserver l’avantage majeur de la mise en place d’un ERP : l’unicité des données.

ERP et transformation numérique : et si l'on aboutissait au même résultat ?

Il n’y a pas d’antagonisme réel entre une solution structurante et de grande envergure comme l’ERP et la transformation numérique. Sauf si on réduit cette dernière à sa dimension BYOB (Bring Your Own Business) ou à l’assemblage de multiples solutions « best of breed » ou d’applications diverses.

Sur le fond, la transformation numérique ne consiste pas à laisser la bride sur le cou à l’ensemble des acteurs de l’entreprise, afin que chacun choisisse une solution à sa convenance. A charge ensuite à quelqu’un (mais à qui ?), de garantir la cohérence de l’ensemble.

Par contre, elle consiste pour l’entreprise à s’appuyer sur une solution numérique structurante, fusse-t-elle unique, pour permettre une plus grande productivité, un plus grand respect des délais et des obligations, un meilleur fonctionnement de la supply chain, et même si possible une plus grande satisfaction de ses employés.

L’ERP répond encore pleinement à ce besoin, d’autant qu’il a su aussi s’adapter aux besoins et usages récents. Reste à lui souhaiter de devenir un peu plus « ludique », ce qui est certes éloigné de sa raison d’être première, mais suffirait peut-être à le rendre sympathique auprès de ses détracteurs.